15/02/24 – Que dit l’article qui compare l’agriculture urbaine “low-tech” et l’agriculture conventionnelle ?

“Comparing the carbon footprints of urban and conventional agriculture
 

Un article scientifique récemment publié examine l’impact environnemental des projets d’agriculture urbaine dits “low-tech”. Le résumé de l’article prétend que ces projets émettent 6 fois plus de carbone que l’agriculture conventionnelle ! Un titre qui a suscité de vives réactions dans les médias et dans notre réseau, nous avons donc décrypté l’article pour vous !

Formes d’agriculture urbaine analysées :

Les chercheurs ont entrepris une analyse à travers une démarche participative sur 73 sites d’agriculture urbaine situés en France (principalement à Paris et à Nantes), en Allemagne, en Pologne (50% des sites), au Royaume-Uni et aux États-Unis. Parmi ces sites, seulement 7 étaient des fermes urbaines professionnelles, 9 étaient des jardins collectifs et la majorité, soit 55, étaient des jardins individuels non-professionnels

Cette composition hétérogène de l’échantillon soulève un point d’interrogation majeur, elle est peu représentative de la diversité des formes d’agriculture urbaine, avec un nombre disproportionné de sites jardinés par rapport aux fermes urbaines à visée productive.

Il est important de noter que cette étude se distingue par sa focalisation sur des projets “low-tech”, contrairement à de nombreuses études antérieures qui ont porté sur des formes d’agriculture urbaine plus technologiquement avancées et énergivores. 

Les analyses effectuées :

Les chercheurs ont cherché à évaluer la performance environnementale de ces 73 sites de projets d’agriculture urbaine, en se concentrant spécifiquement sur l’impact carbone à travers une analyse du cycle de vie de la production alimentaire. De manière plus précise, ils ont évalué les émissions de gaz à effet de serre qui modifient le climat, exprimées en kilogrammes d’équivalent dioxyde de carbone par portion d’aliment, qui ont ensuite été comparées à celles d’aliments cultivées selon des méthodes “conventionnelles”. Leurs analyses ont pris en compte divers aspects, tels que les matériaux utilisés pour la production alimentaire (abris, bacs de compostage, plate-bande surélevées, serre etc.), la nature et l’origine des intrants (compost, engrais de synthèse, irrigation etc.), la qualité nutritionnelle des récoltes et les modalités de transport vers la ville.

La démarche nous semble louable et utile car les études restent rares en France et dans le monde.

Les résultats et recommandations :

La comparaison entre les projets d’agriculture urbaine et l’agriculture conventionnelle nous semble peu pertinente, étant donné qu’ils sont soumis à des contraintes différentes (foncières, économiques, urbaines), et qu’ils poursuivent des finalités distinctes et diverses. En examinant de plus près les données présentées dans les graphiques, nous constatons que la moyenne de l’impact carbone mesuré sur les 7 fermes urbaines est en fait inférieure à celle des fermes conventionnelles. Cette observation souligne l’importance de dissocier les différentes formes d’agriculture urbaine afin de mieux comprendre l’impact carbone spécifique à chaque projet. 

Les résultats de l’étude reflètent également les tendances observées dans la littérature, indiquant que l’agriculture urbaine non commerciale est généralement plus intensive en carbone que les projets à visée commerciale, à moins que ces derniers ne reposent sur des pratiques énergivores. 

Tous projets d’agriculture urbaine confondus, la source des matériaux utilisés s’avère être le principal facteur d’émissions de carbone sur les sites d’agriculture urbaine à faible technologie (63% des impacts). Une meilleure utilisation de matériaux provenant de déchets urbains pourrait rendre les trois formes d’agriculture urbaine étudiées compétitives en termes d’émissions de carbone “par rapport à l’agriculture conventionnelle”. Exemple : un bac surélevé construit et utilisé pendant cinq ans aura environ quatre fois l’impact environnemental qu’un bac surélevé utilisé pendant 20 ans 

Les chercheurs recommandent donc de prolonger la durée de vie des matériaux, d’utiliser de manière judicieuse des déchets urbains comme intrants et mettre en place des pratiques de compostage efficaces. Ils estiment qu’une gestion attentive du compost pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de 39,4 % sur les sites qui utilisent le compostage à petite échelle. L’empreinte carbone du compost augmente de dix fois lorsque des conditions anaérobies génératrices de méthane persistent dans les tas de compost.

Aussi, il est intéressant de mettre en avant que les sites de l’échantillon utilisent 95% moins de nutriments synthétiques (azote, phosphore, potassium) que les fermes conventionnelles.

Enfin, l’article souligne le potentiel incroyable des projets d’agricultures urbaines en tant que lieux d’éducation, de loisirs et de renforcement des liens entre les habitants. Il souligne d’ailleurs que pour certains sites 90% des impacts liés à l’origine des matériaux des infrastructures sont attribués à des services non alimentaires ! 

CE QUE L'AFAUP RETIENT DE CET ARTICLE

Il nous semble important de relever et mettre en avant le faible impact environnemental des 7 fermes urbaines professionnelles analysées. Les fermes urbaines professionnelles émettent moins de CO2 que l’agriculture professionnelle conventionnelle !

Plutôt que de se limiter à une analyse du cycle de vie, une évaluation des coûts et bénéfices serait plus appropriée pour saisir pleinement l’impact de l’agriculture urbaine. Des études scientifiques avec des acteurs de terrain sont essentielles pour optimiser l’intégration des espaces cultivés en milieu urbain.

Les chercheurs auraient pu élargir leur comparaison en évaluant l’impact des projets d’agriculture urbaine par rapport à d’autres utilisations des sols urbains, telles que la construction d’infrastructures, le logement ou encore la création de parcs.

Il est crucial de reconnaître que l’impact carbone des projets d’agriculture urbaine restera significatif tant que la précarité du régime foncier urbain persistera. Cette réalité soulève la question de la nécessité de retirer les terres agricoles du marché immobilier pour garantir le développement de l’agriculture urbaine.

Malgré ces défis, l’agriculture urbaine présente des avantages sociaux, nutritionnels et environnementaux spécifiques à son contexte local, ce qui en fait un élément clé des futures villes durables. Cependant, un travail important reste à accomplir pour s’assurer que l’agriculture urbaine contribue de manière équilibrée au bien-être climatique, social et environnemental des personnes et des lieux qu’elle dessert.