L’Agriculture Urbaine, c’est quoi ?

Elle permet de faire vivre des espaces jardinés et cultivés et d’installer des lieux fertiles pour la nature en ville et l’agriculture de proximité.

L’agriculture urbaine rassemble toutes les pratiques agricoles qui ont lieu en ville et autour des villes et pour lesquelles il existe une alternative à cet usage (…)(espace vert, espace récréatif, projet immobilier, parc énergétique, etc.).

Trois éléments caractérisent ce type d’agriculture :

Sa localisation, qui se situe dans l’aire urbaine où la production agricole est soumise à des contraintes (pollutions, accessibilité, règles d’urbanisme, ensoleillement limité, vandalisme, etc.)

Les échanges de ce système productif avec la ville qui l’abrite ou l’environne, à travers la fourniture de produits alimentaires et de services aux citadins

La nature des productions est variée, elle peut être alimentaire (élevage, fruits et légumes) et non-alimentaire (production de fleurs, de plants potagers, espaces pour la biodiversité  etc.)

On distingue 3 grandes formes d’agriculture urbaine

L’agriculture urbaine exprime sa diversité à travers différentes formes (jardins et potagers collectifs, fermes urbaines participatives, fermes urbaines spécialisées), de multiples techniques de culture (pleine terre, hydroponie, aquaponie, maraîchage sur sol vivant, valorisation des biodéchets, …) 

LES POTAGERS ET JARDINS COLLECTIFS

Les potagers et jardins collectifs sont des espaces jardinés par un ensemble d'individus (écoles, EHPAD, entreprises, jardins familiaux, etc.) qui s'organisent pour produire des denrées alimentaires (quantité trés variable selon les aspirations sociales et environnementales) et autres végétaux. Les productions peuvent être données, partagées ou encore autoconsommées.

LES FERMES URBAINES PARTICIPATIVES

Les fermes urbaines participatives sont des fermes urbaines offrant une diversité d'activités (production de denrées alimentaires, ateliers, visites, restauration, activités sportives et culturelles, études et conseils ) et ont des revenus générés par la vente de produits agricoles inférieurs à 50% du chiffre d'affaires.

LES FERMES URBAINES SPÉCIALISÉES

Les fermes urbaines spécialisées ont pour activité principale la production agricole, qui génère plus de 50% de leurs revenus : elles ont moins d'activités annexes que les fermes urbaines participatives.

On attribue à l’agriculture urbaine de nombreuses fonctions :

Écologique

Rendre les villes plus résilientes et plus durables

Économique

Créer des emplois et contribuer au renouvellement des générations d’agriculteurs

Éducative

Sensibiliser aux enjeux écologiques et alimentaires, mieux faire connaître le métier d’agriculteur

Esthétique

Améliorer la qualité de vie des citadins en embellissant les villes

Nourricière

Produire une alimentation, de proximité, saine et durable pour les urbains

Sociale

Tisser des liens entre les urbains

L’agriculture urbaine est un concept dynamique et comprend une variété de projets avec, très souvent, une activité agricole, allant de la production de subsistance à de la production entièrement commercialisée.

Définition de l’activité agricole selon le Code rural 

« Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation. » (L. 311-1 Code rural et de la pêche maritime).

Où s’arrête l’agriculture urbaine ?

C’est une question à laquelle il est difficile de répondre car elle dépend des perceptions et interprétations autour de la définition du concept d’agriculture urbaine, mais aussi du rural, de l’urbain et du périurbain.

Plus largement, nous pensons que l’agriculture urbaine s’inscrit dans le concept d’agriculture de proximité au sens de la définition de B. Grimonprez : les productions qui oeuvrent géographiquement aux portes ou dans l’enceinte de la ville, et dont la filière est prioritairement tournée vers le marché urbain.

Comment l’agriculture urbaine a-t-elle évolué dans le temps ?

Historique de l'Agriculture Urbaine

(source : guide USH, chapitre rédigé par Giulia Giacche)

1850-1960 ​

La naissance des jardins ouvriers et familiaux

Cette forme d’agriculture urbaine, en forte renaissance aujourd’hui, est probablement la plus ancienne. Point de départ, 1896 : cette année-là l’abbé Jules Lemire, député du Nord, fonde la Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer, avec l’objectif de mettre à disposition du chef de famille ouvrier un coin de terre pour y cultiver des légumes nécessaires à la consommation du foyer. En 1916, la Ligue est chargée par le Ministère de l’Agriculture de distribuer une subvention d’Etat destinée à la création de jardins ouvriers pour répondre aux problèmes d’approvisionnement liés au conflit mondial en cours. Les pouvoirs publics vont à nouveau faire appel à la Ligue dans les années 39-45 pour développer des jardins potagers indispensables en période de pénurie pour l’approvisionnement alimentaire en temps de guerre. Dans d’autres pays, les jardins collectifs sont également soutenus et promus pour favoriser l’accès à la nourriture, notamment en Amérique du Nord avec the victory gardens ou en Italie avec gli orti di guerra. 

En 1952 en France le terme de « jardins familiaux » ayant remplacé celui de jardins ouvriers, rentre dans le code rural. Ces jardins familiaux connaitront une certaine désaffection pendant les Trente Glorieuses.

1970-2000

Le mouvement de Green Guerillas et des jardins partagés

Une vingtaine d’années plus tard, dans la décennie 1970, à New York City, émerge le mouvement des « Green Guerillas » mené par Liz Christy qui visait à reconquérir des espaces urbains en friches et abandonnés pour créer des espaces verts accessibles à tous. Au fil des ans, ce mouvement s’est propagé dans le monde entier en revendiquant des formes d’appropriation de l’espace et d’amélioration du cadre de vie, notamment par le jardinage collectif. 

En France en 1997 on assiste à une première rencontre du monde associatif et des particuliers déjà engagés dans la création d’espaces de jardinage dit « partagé ». L’objectif principal était d’échanger sur leur expérience et d’élaborer une première charte commune de valeurs et des principes d’action. A l’échelle locale, se créent des associations pouvant accompagner la mise en place de jardins partagés (comme Graines de Jardins en Ile de France, Vert le Jardins en Bretagne etc…) et dans certaines villes se structurent des programmes publics de jardinage collectif. 

2000-2020

L’apparition d’une diversité de projets d’agriculture urbaine

Dans les années 90, on commence à utiliser le mot d’agriculture urbaine pour se référer aussi à d’autres types d’expériences plus marchandes et à vocation productive, même si les jardins collectifs (familiaux et partagés) seront vite considérés comme partie prenante de cette agriculture urbaine. En particulier, certaines crises économiques et industrielles révèlent l’importance de la contribution de l’agriculture urbaine à la fois pour l’approvisionnement alimentaire que pour la création d’emplois. Des exemples sont la ville de Détroit, affaiblie par la chute de l’économie de l’automobile, où la population commence à cultiver les friches urbaines dès le début des années 2000 ou l’ile de Cuba où le gouvernement promeut des programmes pour assurer la sécurité alimentaire du pays suite à l’embargo de 1991. Mais l’agriculture urbaine investit aussi de petites villes comme en Angleterre à Todmorden (14.000 habitants) où deux femmes fondent le mouvement aujourd’hui international des Incroyables Comestibles (Incredible Edible) en 2006, en promouvant la mise en culture des espaces publics en libre-service mais également revivifient une production locale. 

L’agriculture urbaine véhicule des valeurs de respect de l’environnement, de partage et d’économie sociale et solidaire, même si des formes plus high tech commencent alors à se développer.

A partir des années 2015, initié par l’appel à projet des « Parisculteurs » pris par la ville de Paris, on assiste à un nombre rapidement croissant d’Appels à manifestation d’intérêt (AMI), Appels à projet (AAP) ainsi que des Appels à candidature (AAC) impulsés par les collectivités territoriales à différentes échelles (site vacant, quartier, ville voire métropole) et par différents services (aménagement ; politique de la ville, agriculture, démocratie participative, écologie ; biodiversité et espaces verts.. ) : il s’agit de trouver des idées, des projets, des lieux et des exploitants qui puissent à la fois assurer la gestion des espaces (souvent de propriété publique) en contribuant à la reterritorialisation d’une partie de la production alimentaire et à la fourniture de différentes services (environnementaux, paysagers, pédagogiques etc.) aux citadins. 

 En 2016, une nécessité de fédérer et donner à voir la diversité de l’agriculture urbaine porte à la création de l’Association Française de l’agriculture Urbaine Professionnelle (AFAUP) qui est devenue désormais un interlocuteur incontournable auprès des ministères et des diverses parties prenantes. L’association permet aux adhérents d’échanger, monter en compétences et se mettre en lien avec les acteurs de la ville et du monde agricole.

À partir de 2020

Vers un passage à l’échelle de l’agriculture urbaine dans toutes ses formes ?

En France, depuis la reconnaissance nationale des jardins familiaux en 1952, l’action en faveur de l’agriculture urbaine a été plus que majoritairement portée par des collectivités territoriales et/ou des citoyens, bien plus qu’à l’échelle nationale.

Mais le changement s’amorce: confrontées à la multiplication des initiatives locales, pressurées par leurs instances sur le terrain, les autorités nationales commencent à s’intéresser de près au phénomène. L’avis du CESE (Conseil économique social et environnemental) sur l’agriculture urbaine (2019) ainsi que le rapport du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) (2020 et 2022) sur la politique du Ministère de l’agriculture et l’alimentation en matière d’agriculture urbaine soulignent l’intérêt croissant des ministères de l’écologie et de l’agriculture pour l’action de levier de l’agriculture urbaine dans les transitions alimentaires, agro-écologiques et dans l’aménagement durable du territoire. En particulier, le déploiement croissant des Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) surtout à partir de 2018, a inévitablement interrogé les villes sur leur stratégie d’approvisionnement alimentaire, les agricultures périurbaines et intra urbaine pouvant dans certains cas y contribuer. 

Le ministère de la ville et du logement n’a pas été en reste en mobilisant (sous l’impulsion de Julien Denormandie devenu ministre de l’agriculture et de l’alimentation en juillet 2020), l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU) pour lancer en 2020 le programme Quartiers fertiles destiné à développer de l’agriculture urbaine dans les quartiers prioritaires de la ville en rénovation.

Enfin, la crise sanitaire de 2020-2021 a mis brutalement en évidence la dépendance alimentaire des villes ainsi que les fractures sociales en termes d’accès à une alimentation durable: ceci a conduit le Ministère de l’agriculture en janvier 2021 à proposer une mesure spécifique du Plan de Relance pour le soutien à l’agriculture urbaine et aux jardins partagés et collectifs, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce foisonnement des programmes encore souvent peu coordonnés pourrait cependant conduire à un réel changement d’échelle de l’agriculture urbaine à l’échelle nationale.

Il n’existe pas encore, à la fin de l’été 2024, de politique publique nationale soutenant l’agriculture urbaine mais plutôt des formes de soutien ponctuels voire contextuels à l’échelle surtout locale.

Pour aller plus loin ...

Textes de référence sur l’Agriculture Urbaine

MOUGEOT, Luc JA, et al. Urban agriculture: definition, presence, potentials and risks. Growing cities, growing food: Urban agriculture on the policy agenda, 2000, vol. 1, p. 42.

FAO, Rikolto and RUAF2022. Urban and peri-urban agriculture sourcebook – From production to food systems. Rome, FAO and Rikolto. https://doi.org/10.4060/cb9722en

GRIMONPREZ, Benoît. Vers un concept juridique d’agriculture de proximité. 2016.